Lenteur heureuse vs fast fashion : un choix de conscience

À l’heure où l’on entend parler à grand bruit (et il y a de quoi) de la toute récente installation de la marque Shein au BHV, les cofondateurs d’ARTIST souhaitent mettre en lumière leur philosophie et leur choix assumé d’une création lente, humaine et sincère.

En opposition avec la frénésie destructrice de la fast fashion, ce qu’ils nomment la lenteur heureuse est née de leur prise de conscience à la création de leur concept, et du travail de leur duo bien accordé, porté par leur passion, leur attention et leur exigence de qualité.

 

( Brigitte et François , créateurs d'ARTIST le Studio BF )

D’une manière globale, pour quoi faire « l’éloge de la lenteur » si l’on reprend le titre de Carl Honoré qui en 2004 invitait à travers ses lignes à redécouvrir les vertus d’un rythme plus mesuré dans nos activités quotidiennes. Dans ce livre, l’analyse ne se limite pas à une simple réduction de la cadence, l’auteur enquête au cœur d’un courant d’opinion baptisé " Slow ", qui propose de rééquilibrer rapidité et lenteur dans notre vie, et retrouver ce que les musiciens appellent tempo giusto.

Et si un bon usage de la lenteur pouvait améliorer nos existences ? Pour quoi sommes-nous si pressés ? Pouvons-nous et voulons-nous aller moins vite ? À l’heure où la performance est requise sur tous les fronts de l’existence, François et Brigitte réfléchissent tout haut sur ce contraste entre deux mondes :

d’un côté, dans une dynamique de respect et de sens ; de l’autre, le rouleau compresseur de la production jetable, qui déshumanise le travail, épuise les ressources et détruit les filières locales.

( les stocks invendus de la fast fashion .. )

Ils reviennent succinctement sur le sujet brûlant dans le domaine du textile et de la mode.

Les médias nous disent que l’un des plus anciens et prestigieux grands magasins parisiens symboliserait une forme de capitulation du commerce historique face à la fast fashion. Concrètement, chaque nuit, près de 600 avions-cargos décollent d’Asie pour livrer Shein dans le monde : un chiffre vertigineux qui illustre l’absurdité écologique et humaine du modèle. Ici, inutile d’employer le conditionnel, c’est avéré.

Aucun doute encore, derrière ces prix cassés, des ouvriers privés d’une vie décente, soumis à une pression extrême, pendant que les fabricants européens s’effondrent.

Pire, beaucoup de personnes n’ont pas d’autre pouvoir d’achat, peut-être pas d’autre choix ou si peu ?

Bien pire encore, Shein n’est pas le seul acteur mondial du genre hélas. Si l’on tente d’être honnête et objectif, on sait bien que non seulement le phénomène existe depuis longtemps, mais que le monde tourne ainsi inexorablement. Il est schizo. le monde, il dénonce l’injustice et l’inacceptable mais il œuvre et contribue malgré tout à sa propre perte. Le monde est fou, le monde se tire une balle dans le pied… Mais qui est le monde au fait ? N’aurions-nous pas tous une part de responsabilité ? Consciente, inconsciente… Le magazine numérique d’ARTIST ne s’attaquera pas à un si vaste sujet.

Il paraît que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Certes. Une fois qu’on a dit cela, essayons tout de même de se poser lucidement, objectivement. Avec une bonne dose d’humilité, faisons la part des choses et peut être arriverons nous à prendre de bonnes résolutions… L’espoir et l’optimisme caractérisent l’Art-à-Porter d’ARTIST.

Un exemple de désindustrialisation ou de très fortes menaces parmi tant d’autres : ça se passe dans l’Est, berceau du textile, en ce moment. Liquidation d’Aube Tricotage, inquiétudes autour de Petit Bateau. Agonie de marques de plusieurs générations, d’industriels hors pair au savoir-faire inégalé sur notre territoire. Dans cette région, syndicats et patronat tirent la sonnette d’alarme.

« Pour survivre aujourd’hui, il faut 6,5 tonnes d’activité par jour, sinon c’est la clé sous la porte »,

explique Pascal Lucani, secrétaire général CGT du textile de l’Aube.

« Il n’y a plus un seul kilo de commandes du Coq Sportif », constate Denis Arnoult, président de France Teinture, entreprise familiale incontournable dans son domaine d’expertise encore hier, et de l’Union des industries textiles Champagne-Ardenne. Cette crise met en danger des dizaines de familles.

 

 

( France teinture est l'une des teinturerie les plus performantes en Europe . Artist réalise  les teintures de ses fameux pantalon super-stretch .)

Face à cette déshumanisation de la production, ARTIST choisit la voie de la « lenteur heureuse » : celle du travail bien fait, du respect du temps, des équipes et des matières. Celle d’une création qui porte du sens et de la beauté, à rebours du « toujours plus vite, toujours moins cher ».

Le concept ARTIST est basé sur la précommande : le temps de l’attente

 En acceptant d’attendre, chaque coproductrice permet à la marque ARTIST d’ajuster au mieux la quantité fabriquée et évite la surproduction. Dimension éthique, engagement sociétal, cette coopération s’inscrit dans la droite ligne d’un nouveau mode de vie et de consommation. En corrélation avec un « NON » à l’immédiateté, une résolution : ralentir ! Participer à la production de son vêtement, en connaître toutes les étapes, les comprendre et les approuver y compris en termes de délais. L’achat réfléchi et non plus impulsif offre une double satisfaction, au moment même du clic qui le valide et au moment de la réception. Cette phase d’expectative choisie procure la sensation de voguer à contre-courant d’une fast fashion aux styles clonés.

 Nous ne voudrions pas attendre parce que nous confondrions le temps de la pulsion et le temps du désir ?

Il faut peut-être distinguer la bonne de la mauvaise attente. Acheter en précommande, c’est être habité(e) intimement d’une promesse. Décider de la lenteur, espérer avec délectation, penser positivement l’attente comme une source d’évolution, un art de vivre, et pourquoi pas un art-à-porter ?

Et si le vrai luxe, c’était de prendre le temps de créer, de fabriquer avec conscience, et de porter ce qui a une âme ?